Le , par Gérard-François Dumont
« Pour sauver la planète, l’enfant est-il un problème ou une solution ? »
Communication du Pr. Gérard-François Dumont, démographe, professeur à la Sorbonne.
Présentation du Pr Rémi Brague. — Notre thème est des plus actuels. Il est pourtant assez ancien. Si l’on remonte dans le temps, on s’aperçoit que la crainte d’une surpopulation n’a pas attendu Malthus. Elle s’accompagne d’un désir de fixer le temps, d’arrêter la succession des générations en rendant la génération présente immortelle et donc la reproduction inutile. Le désir d’obtenir l’immortalité par des moyens techniques est attesté dès le XVIIe siècle avec Francis Bacon et Descartes. La conséquence logique, l’arrêt de la reproduction, date de la fin du XVIIIe siècle avec des gens moins connus en France comme l’anglais William Godwin (m. 1836). Dans Les Démons, Dostoïevski met en scène l’ingénieur Kirilov, dont l’intention est de se rendre Dieu, et de démontrer sa divinité par un acte de totale auto-détermination, à savoir… le suicide. Le romancier lui fait dire : « Je crois que l’homme devrait cesser de se reproduire » (III, v, 5). Aujourd’hui, le rêve dit « transhumaniste » et le suicide démographique des sociétés industrialisées et parfois démocratiques — un fait qui est, lui, bien réel —, forment un système où l’un fomente et compense l’autre.
La crainte de la reproduction
La crainte, voire la haine de la reproduction, est au moins aussi ancienne que le catharisme qui, au XIIe siècle, a séduit une partie de la noblesse des pays d’Oc. Celui-ci tolérait pour le vulgaire une certaine licence en matière de sexualité, à condition qu’elle reste stérile. Nos sociétés occidentales actuelles sont caractérisées par deux traits : d’une part, une survalorisation des expériences sexuelles — d’ailleurs plus fantasmées que vécues, relevant plus de l’écran que du lit ; d’autre part, des technologies contraceptives toujours plus invasives. Elles représentent un retour en force, avec d’autres moyens, de cette mentalité héritée des Gnostiques des premiers siècles de notre ère. Aujourd’hui, les partisans d’un arrêt de la reproduction, et donc, à long terme, de la vie de l’espèce humaine, produisent des arguments qui se fondent sur le respect de la planète et de la diversité des espèces vivantes, que l’espèce humaine menacerait par son activité économique, voire par sa seule existence.
Pour nous éclairer sur ces questions, nous avons fait appel à un universitaire qui est à la fois géographe, économiste et démographe, le professeur et recteur Gérard-François Dumont. Cette multiple compétence nous rappelle un fait évident, et pourtant souvent oublié : l’homme et la Terre sont liés d’un lien immémorial et indissoluble. Nous avons beau nous diviser en « anywheres » et en « somewheres », les premiers regardant de haut les seconds, nous sommes tous quelque part quelque part, à savoir des Terriens. Il y a toujours un moment où même les « anywheres » les plus légers finissent par atterrir. Le lien entre la terre et les hommes se concrétise dans les deux sens : Sans la Terre, il n’y aurait pas d’hommes ; sans les hommes, la Terre ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. L’action de l’homme sur la Terre serait-elle donc si funeste ? Telle est la question à laquelle Gérard-François Dumont va nous donner sa réponse.
Auteur de l'article
Gérard-François Dumont
France | Géographe, économiste et démographe, professeur à l’université Paris-IV Sorbonne, directeur de la revue Population et Avenir.
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