La crise actuelle
L’Europe, depuis bien des siècles, vit de la fidélité à un triple héritage reçu de la philosophie grecque, du droit romain et des religions issues de la Bible : judaïsme et christianisme. À cet héritage, il faut ajouter deux créations propres à l’Europe : la science moderne et la reconnaissance des libertés fondamentales. Sans cet héritage, la culture européenne et ses grandes créations artistiques ne sont pas intelligibles. Il n’est pas surprenant que l’Université ait été l’une des expressions les plus élevées de la civilisation européenne : sa grande institution culturelle. La grandeur de l’Europe, sa mission commune à l’égard des peuples et des nations, dérive de ce triple héritage et de ses deux grandes créations.
C’est aussi dans cet esprit que certains des pères fondateurs de la Communauté européenne ont agi, dans le but de rendre impossible une guerre en Europe. C’est dans le même esprit qu’aujourd’hui [la fédération] Un de Nous entend défendre la vie en s’opposant à certaines dérives présentes dans l’Union européenne.
Si l’Europe meurt, ce sera par son infidélité à elle-même. En effet, la crise actuelle trouve sa source dans la dégradation de ces cinq éléments constitutifs de son identité.
1/ La philosophie a subi une double attaque : la négation de sa définition authentique comme la recherche de la vérité, et son remplacement par d’autres formes de recherche, en particulier scientifique, sans doute estimables, mais d’un autre ordre.
2/ L’esprit du droit romain agonise devant le positivisme juridique qui prétend que n’importe quel contenu peut être du droit s’il adopte la forme de la loi d’un État approuvée par une majorité et devant un « usage alternatif du droit » au service d’intérêts politiques ou idéologiques.
3/ Un laïcisme radical et militant se répand qui propage une sorte de « christophobie ». On dénigre non seulement la foi chrétienne et sa valeur, mais la contribution même du christianisme à la culture européenne, alors que, en réalité, l’Europe lui doit de toute évidence le plus clair de son art, de sa pensée et de ses mœurs.
4/ La science n’est pas non plus à l’abri des menaces, parmi lesquelles le mépris de la science pure, le relativisme et l’idolâtrie de la technique.
5/ L’État de droit se défend difficilement contre ses propres erreurs mais aussi contre les régimes totalitaires ou démagogiques et contre les actions de ceux qui cherchent à imposer leurs revendications par l’émeute et la violence.
Les symptômes qui confirment ce diagnostic ne manquent pas. Parmi eux, le faible taux de natalité, la crise de la famille et du mariage, la négation de l’identité culturelle de l’Europe et des éléments qui la constituent, l’essor du relativisme, le multiculturalisme, les attaques contre la liberté de conscience et d’expression, la négation du sens de la vie, le refus de l’objectivité des principes et des règles morales, l’acceptation sociale de l’avortement, de l’euthanasie et d’autres attentats contre la dignité de la vie humaine, l’idéologie du genre et certaines formes de féminisme radical, les injustices comme la misère, la dégradation du cadre de vie, les guerres ou l’exploitation des enfants, la négation du sens de la souffrance considérée comme le mal suprême, la dissimulation de la mort, le mépris de la personne comme être unique et responsable, l’expansion de l’athéisme. En somme, la déshumanisation de l’homme.
La marque du christianisme
Ces derniers faits — l’expansion de l’athéisme et sa conséquence, la négation de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus sacré — plus que des symptômes, sont les principales causes d’une crise qu’il est seulement possible de surmonter en renouant avec le sens de ces grandes réalités menacées : la philosophie, le droit, la religion, la science et la garantie des libertés fondamentales.
Parmi les contributions des religions bibliques, et notamment du christianisme, à la formation de l’esprit européen se trouvent l’idée d’un Dieu personnel et de l’amour comme essence de Dieu, la conception de la personne et de sa dignité, le sens de la création, l’espérance d’une vie épanouie et immortelle, la liberté et la responsabilité de l’homme (notion partagée avec la pensée classique), l’idée de la conscience ou de la subjectivité et de la primauté de la vie intérieure où se trouve la vérité, le pardon et le commandement de l’amour, le développement du concept de la souveraineté du peuple, de la liberté et des droits de l’homme.
Ce n’est que dans l’espace où le christianisme a marqué les esprits et les institutions qu’ont pu apparaître et survivre les Lumières, les régimes politiques modernes et la science mathématisée de la Nature. Ce que nous craignons n’est donc pas la Modernité, mais seulement ses égarements, qui sont peut-être dominants aujourd’hui. Nos adversaires ne sont pas la liberté, la raison et la science, mais le despotisme, les débordements irrationnels de l’affectivité et l’ignorance. Nombreux sont ceux qui déplorent les maux dont nous souffrons, mais qui contribuent à détruire, sans doute sans le savoir, ce qui pourrait les guérir. Ils déplorent la maladie tout en méprisant son traitement.
Ce que nous voulons
« Un de Nous » souhaite contribuer au rétablissement de l’Europe comme force morale positive par le rétablissement de ses principes et valeurs fondamentales.
L’Europe doit retrouver le chemin de la primauté de l’esprit sur la matière et de l’excellence. Elle doit abandonner le chemin du faux égalitarisme et du relativisme. L’une des clés se trouve dans la réforme de l’éducation, qui doit retrouver, renforcer et diffuser les apports bénéfiques de la civilisation européenne.
Les biens matériels nécessaires à la vie doivent être au service du bien commun. Le système propre à l’Europe est l’économie sociale de marché. Celle-ci sera toujours préférable aux systèmes collectivistes, tant qu’elle considère que les lois du marché elles-mêmes ne sont pas applicables à tous les secteurs de la vie sociale. Il existe des réalités et des biens, en grand nombre, comme les Romains l’avaient déjà compris, qui sont hors du commerce des hommes.
Nos efforts visent à réveiller la conscience européenne, fondée sur le patrimoine commun spirituel et culturel qui a forgé l’Europe et sur une loyauté commune à l’égard des droits fondamentaux de la personne. À cette fin, nous voulons sensibiliser l’opinion publique et nous prendrons position sur les questions les plus pertinentes qui se présentent aussi bien dans la vie politique que dans les débats entre citoyens.
Nos priorités
Nous orienterons particulièrement nos réflexions et nos actions sur les priorités suivantes :
L’affirmation de la vie
Le droit à la vie dépend de la simple appartenance à l’espèce humaine, et non pas de facteurs circonstanciels tels que l’âge, le sexe, le degré de développement ou la possession de capacités déterminées. L’embryon humain possède le génome propre à notre espèce, avec des caractéristiques qui en font un individu unique, irremplaçable et différent de sa mère et de son père. Dès la conception, un nouvel être humain est engendré et se développe de manière continue, coordonnée, graduelle et autonome si rien ne l’en empêche.
Un de Nous défendra la vie de l’enfant à naître avec des propositions qui, en fonction des circonstances, viseront à assurer une plus grande protection de la vie humaine depuis sa conception jusqu’à la mort naturelle.
De la même façon, Un de Nous veillera à ce qu’on respecte l’identité génétique humaine. Elle s’opposera aux expériences d’édition génétique d’embryons humains visant à les « améliorer » ou à leur donner des caractéristiques déterminées, tout spécialement alors que la sécurité de ces procédés n’atteint pas le minimum qu’on peut exiger en éthique médicale. Les nouvelles récentes relatives à des interventions d’édition génétique sur des zygotes humains rendent urgente une telle prise de position.
La protection de la vie humaine est également en train de s’affaiblir à son autre extrême : la vieillesse, l’incapacité ou la maladie incurable. Un de Nous luttera contre la légalisation de l’euthanasie et contre l’acharnement thérapeutique. Elle favorisera en revanche les soins palliatifs qui respectent la vie de la personne en stade terminal.
La protection de la famille fondée sur le mariage de l’homme et de la femme
La tendance à présent dominante en Europe est au déclin du mariage comme fondement de la famille. L’orthodoxie « progressiste » défend et encourage « l’apparition de nouveaux modèles de familles ». Nous pensons, au contraire, que nous vivons une crise de la famille, qui a des effets très nocifs pour l’avenir de notre société.
Un de Nous s’oppose à la redéfinition du mariage (aujourd’hui l’introduction du mariage entre les personnes du même sexe, demain la polygamie, etc.) et soutiendra les mesures visant à protéger la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme.
L’encouragement de la natalité et sensibilisation à « l’hiver démographique »
Un taux de natalité nettement inférieur à celui qui permet le renouvellement des générations mène le continent au déclin socio-économique, rend l’État social intenable à long terme et, si cette situation se prolongeait durablement, aboutirait à la pure et simple extinction.
Un de Nous soutiendra les mesures visant à encourager la natalité. Et elle sensibilisera la société européenne à la gravité de l’hiver démographique.
L’affirmation de la binarité sexuelle et rejet de l’idéologie de genre
L’humanité se compose d’hommes et de femmes. La prétendue « théorie du genre » prétend cependant remplacer la notion biologique du sexe par la catégorie culturelle du « genre », qui serait construite et conventionnelle. Cette idéologie, qui n’a aucun fondement scientifique et supprime l’un des principaux piliers anthropologiques (l’humanité sexuée), veut s’imposer comme modèle éducatif.
Un de Nous œuvrera pour qu’un tel modèle ne s’impose pas ; elle favorisera une éducation sexuelle et affective intégrale qui respecte les convictions morales des familles et n’implique pas une sexualisation prématurée de l’enfance.
L’affirmation de la liberté de pensée, d’expression et d’éducation
Nous sommes dangereusement proches d’une dictature du « politiquement correct ». Une nouvelle orthodoxie asphyxiante qui, paradoxalement, coïncide avec le relativisme intellectuel et éthique le plus absolu, étouffe la liberté du débat dans toute l’Europe, que ce soit dans les universités, les parlements et les médias.
Un de Nous défend la liberté de pensée, d’expression et d’éducation dans tous les domaines de la coopération européenne et dénoncera, là où cela se produira, l’usage fallacieux du « délit de haine » ou de l’interdiction des « discriminations » comme outil de terreur et d’uniformisation idéologique.
L’affirmation de la reproduction naturelle, l’opposition à la « gestation pour autrui » et aux techniques de fécondation in vitro
La prétendue « gestation pour autrui » implique la chosification de la mère porteuse, réduite à un « récipient » [utérus] dépersonnalisé, et la marchandisation de la reproduction (location de ventres).
À cet effet, Un de Nous soutient l’interdiction de la GPA tout en encourageant pour les couples formés d’un homme et d’une femme ayant des difficultés pour engendrer ou porter l’enfant, les alternatives licites telles que l’adoption. Elle s’opposera également à la fabrication éventuelle d’utérus artificiels comme alternative à la reproduction naturelle.
Développement des potentialités de la nature humaine
Les progrès des technologies NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, science cognitive) pourraient permettre rapidement l’altération des fondements même de la nature humaine.
Il n’est pas sensé de projeter une telle altération, alors que tant d’aspects inhérents à la nature humaine telle qu’elle est déjà restent à promouvoir. Ainsi, le développement de la solidarité, le respect d’autrui, l’amélioration des conditions de vie, tout spécialement dans les pays moins avancés, la lutte pour améliorer la santé, l’éducation et tout ce qui contribue au bien-être, etc.
Un de Nous s’oppose donc aux projets dits « transhumanistes » : la modification génétique de l’embryon humain, la création du « surhomme » en laboratoire, la cryogénisation humaine. Ces pratiques pourraient impliquer la fin de l’unité de l’espèce — qui serait alors divisée en plusieurs humanités avec des capacités diverses — et même mener à la fin de l’homme tel que nous le connaissons.
Dans le désordre, la lumière
Ainsi, Un de Nous cherche à promouvoir la vie humaine dans toutes ses dimensions en redonnant force aux principes et aux idéaux qui ont permis la naissance et la continuation de la civilisation européenne. Nous sommes davantage animés par l’enthousiasme et l’espoir que par nos motifs de mécontentement, voire de souffrance. Dans le désordre et l’agitation, nous voulons l’ordre juste et la sérénité. Dans l’obscurité, nous cherchons la lumière.