Le , par Guillaume Bernard
CETTE ANNEE, l’enjeu de notre bataille pour la vie est la constitutionnalisation de l’avortement et la légalisation de l’euthanasie, au nom du « progressisme ». Toutes les questions dites sociétales, en fait morales, se tiennent, sont intimement liées entre elles. L’avortement est la matrice de toutes les évolutions en matière de mœurs et de bioéthique. Si l’enfant à naître n’est pas intouchable, alors tout peut être permis, et d’ailleurs tout ou presque est désormais permis, y compris l’innommable, en particulier l’expérimentation sur les embryons et la fabrication d’enfants à la carte par le biais d’un eugénisme qui ne dit pas son nom. Il faut être cohérent. Rien ne sert de dénoncer la chosification de l’enfant dans le cadre d’une gestation pour autrui ou d’une procréation médicalement assistée (et, ce, quels que soient les personnes ou les couples demandeurs) si n’est pas combattue la réification de l’être humain par l’avortement.
La logique du progressisme
Éclairons en quelques mots, la logique du progressisme. Il faut en comprendre le mécanisme pour pouvoir le combattre tant avec loyauté qu’efficacité. Ses ressorts sont le volontarisme et le subjectivisme. Alors qu’il n’est traditionnellement, dans une relation d’altérité, qu’une condition nécessaire mais jamais suffisante, le consentement est devenu l’alpha et l’oméga de la légitimité d’un acte ou d’une pratique. Exit la question du bien-fondé d’une action. Exit la question de l’équitable, le juste étant réduit au légal. Exit la recherche du bien commun qui est, concomitamment, le bien des personnes et le bien du corps social qu’elles composent. Seule compte la réalisation des intérêts nombrilistes des individus avec pour seule pseudo-morale la loi sadique du plus fort où l’homme est un loup pour l’homme !
L’exacerbation du culte de la volonté est telle qu’une simple faculté de fait (tuer autrui, se tuer soi-même) est travestie en un droit, en une liberté transférable à un tiers, en une créance opposable à l’État. L’exacerbation du culte de la volonté est telle que la nature ontologique donnée à l’homme disparaît au profit d’une nature déconstruite et reconstruite par l’homme lui-même, une nature artificielle circonscrite à l’exercice de la liberté qui est d’autant plus valorisée quand elle est transgressive. Ai-je besoin d’évoquer l’idéologie du genre ? Dès lors, puisque l’enfant à naître ou le malade dépendant ne sont pas autonomes, leur humanité n’est pas seulement édulcorée, elle est explicitement niée. Et il est permis de les tuer en toute impunité au nom d’une compassion dégénérée.
Une politique assumée
La volonté de l’individu (celle de la mère qui veut avorter, celle de la personne fragile qui veut être euthanasiée) serait une cause exonératoire de culpabilité pour celui qui tue sur demande. Dans ces conditions, pourquoi faudrait-il continuer à poursuivre les tueurs à gage et leurs commanditaires ? La toute-puissance de la volonté fait perdre le sens des réalités : l’homicide est tout simplement ignoré, biffé comme s’il n’existait pas alors qu’il est, évidemment, le cœur de la question. La bien-pensance ambiante tente d’intimider l’opinion publique en brandissant la liberté individuelle de la femme ou du malade. Mais, d’une part, s’agit-il vraiment d’actes libres ? Et, d’autre part, sont-ce vraiment de simples actes individuels ? Le consentement de la femme qui avorte ou du malade qui demande l’euthanasie est, hypocritement, présenté comme libre et éclairé. Or, leurs volontés sont parfois manipulées et, bien souvent, conditionnées. Quand le père de l’enfant fuit comme un lâche, l’angoisse de la femme enceinte est évidemment exacerbée. Quand les proches d’un malade insistent sur leurs difficultés notamment financières, ils exploitent de manière éhontée son abnégation.
L’avortement et l’euthanasie ne sont pas de simples actes individuels ; ils engagent les relations intra et intergénérationnelles. Et d’ailleurs, il est évident que les progressistes cherchent à faire endosser à la société tout entière la responsabilité morale de ces actes et à faire de chacun de ses membres un complice objectif. L’avortement depuis presque cinquante ans, l’euthanasie peut-être demain, ne sont pas et ne seront pas une addition d’actes singuliers et épars. Ils sont et seront une politique publique assumée. La puissance publique ne fait pas que fermer les yeux sur une pratique ; non, elle autorise, organise, cautionne et finance. Elle ne favorise pas la liberté de chacun ; non, elle viole la conscience de tous !
Les forces de vie
Alors ? Malgré tout, ne jamais perdre espoir. Qui aurait dit, il y a quelques années, que la Cour suprême des États-Unis reviendrait sur la jurisprudence qui avait, inconstitutionnellement, imposé la légalisation de l’avortement aux États fédérés ? Il faut donc sans cesse œuvrer et semer. Notre engagement de chacun jour peut donner des fruits individuels qui sont aussi importants que des effets politiques. Sauver ne serait-ce qu’une vie innocente est une victoire incommensurable. Il nous faut éveiller les consciences dans une société qui se suicide démographiquement et moralement. Témoigner que la dignité de l’homme dépasse ses forces physiques et son avoir matériel. Affirmer que, même si la vie est faite d’efforts sans cesse renouvelés, d’handicaps à surmonter, de souffrances physiques et psychologiques à dominer, l’être vaut mieux, vaut toujours mieux que le non-être.
Le mal n’est rien d’autre que ce qui détruit le bien ; il ne bâtit rien, il n’est rien, il ne vaut rien. Les forces de vie sont et seront toujours plus fortes que l’esprit qui nie et qui détruit. Ne le laissons pas agir impunément. Au moins, le mensonge ne passera pas par nous. Le terrorisme intellectuel se brisera sur notre dissidence. Et la vie finira par triompher. Nous sommes ici pour exprimer de la joie : la foi dans la vie, l’espérance dans la vie, la charité dans la vie.
Auteur de l'article
Guillaume Bernard
France | Historien du droit et politologue, maître de conférences à l'Institut catholique d'études supérieures (ICES), codirecteur de l'Observatoire One of Us.
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