Le , par Observatory of the human dignity in Europe
Le gouvernement français a lancé les travaux préparatoires à la mise au point d’un nouveau « modèle de la fin de vie ». Contre l’avis du corps médical, il s’oriente vers l’ouverture d’une aide active à mourir pour les patients majeurs atteints d’une maladie incurable.
France : vers l’assistance au suicide
C’était une promesse électorale du président Macron pour son deuxième mandat : obtenir une légalisation de l’euthanasie et de l’assistance au suicide. Pour neutraliser l’opposition du corps médical, très largement réfractaire à ce projet, le gouvernement a imaginé un dispositif de contournement destiné à donner l’apparence d’un débat objectif, sans a priori, malgré la volonté ouvertement affichée d’aboutir à la reconnaissance officielle d’un « droit de mourir dans la dignité » sur le « modèle belge ». Première pierre de ce dispositif, obtenir la caution morale des experts du comité consultatif national d’éthique (CCNE). Deuxième étage de la fusée : une « convention citoyenne » lancée en décembre 2022, constituée par des citoyens tirés au sort, pour donner un gage de démocratie participative. Troisième élément du dispositif : l’avis de la commission parlementaire chargé d’évaluer la loi encadrant la fin de vie. Enfin, quatrième instrument : l’institution d’une commission, présidée par un académicien, chargée de mettre au point un lexique des mots à utiliser ou à transformer pour accompagner les citoyens dans leur appréhension de la fin de vie, autrement dit rendre le projet gouvernemental socialement acceptable.
Sans surprise, toutes les instances chargées de se prononcer ont tiré dans le même sens : la recommandation d’une évolution de la législation en faveur d’une « aide active à mourir ». Dès septembre 2022, le CCNE a considéré qu’il existe une « voie pour une application éthique de l’aide active à mourir », mais qu’il ne serait pas éthique d’envisager une évolution de la législation si les mesures de santé publique recommandées dans le domaine des soins palliatifs ne sont pas prises en compte. Huit membres du CCNE ont exprimé des réserves sur cet avis. Première à se prononcer en 2023, la convention citoyenne, placée sous l’égide du Conseil économique, social et environnemental (CESE), s’est prononcé à une majorité écrasante pour une « évolution de la loi ». Le rapport recommande deux idées majeures : le développement des soins palliatif et l’ouverture d’une aide active à mourir. Autrement dit, la légalisation de l’euthanasie et du « suicide assisté ». Très vite, des critiques sont apparues sur le fonctionnement de la convention, le recrutement des participants, l’orientation de la documentation, la sélection des experts invités, très majoritairement favorables à l’euthanasie. « Ni les personnes concernées (vulnérables, en fin de vie, malades), ni les soignants, n’ont participé à cette convention » a constaté la Fondation Jérôme-Lejeune.
Pour sa part, la mission parlementaire d’évaluation de la loi sur la fin de vie en vigueur, dite loi Leonetti-Claeys, présidée par un des députés les plus farouchement militant de l’euthanasie, Olivier Falorni, a justement mis en évidence la faiblesse des soins palliatifs en France, mais pour souligner l’incapacité du cadre législatif à « répondre à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme ».
L’académie de médecine, en rupture avec le code de déontologie médicale et l’avis du corps médical, a de son côté publié un avis condamné par ses propres membres concluant à une ouverture sous condition au suicide assisté, mais en maintenant son opposition à l’euthanasie. Un membre de son comité d’éthique a dénoncé un passage en force et la non validité d’un tel vote.
Alors que l’accès aux soins palliatifs est notoirement insuffisant en France, toute la stratégie du gouvernement consiste à soutenir dans le même mouvement le développement des soins palliatifs et la légalisation de l’aide active à mourir. Les professionnels de santé, à commencer par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a relevé sans peine la contradiction : non seulement les soins palliatifs et euthanasie n’ont rien à voir, mais ils sont antinomiques. À défaut d’obtenir un consensus, le président de la République a limogé les deux ministres de son gouvernement hostiles à la légalisation, le ministre de la Santé lui-même et le secrétaire d’État aux Solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, ancien directeur de la Croix Rouge. La ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, en charge du projet de loi, a annoncé un texte qui s’orienterait vers l’assistance au suicide, ce qui éviterait aux soignants de poser le geste létal. Un collectif de treize sociétés savantes et organisations de professionnels de santé, représentant 800.000 soignants, a dénoncé le piège : donner la mort ne sera jamais un soin, et il ne faudrait pas que même de façon indirecte, l’assistance au suicide soit intégrée au parcours de soin, quand bien même l’objection de conscience serait garantie au personnel soignant. Et ce n’est pas le changement de vocabulaire — ne dites plus suicide ou euthanasie, mais « mort choisie » — qui résoudra la difficulté.
Le problème essentiel sera celui du changement de message collectif de la loi, qui ne sera plus celui de la protection inconditionnelle des plus vulnérables. À terme, l’ouverture de ce nouveau droit, outre qu’il contredirait la politique de prévention du suicide, obligerait les malades en fin de vie à se poser la question du choix d’en finir. La présentation du projet de loi est annoncée avant le 21 septembre.
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